La banque digitale, un remake des télécoms ?

banque digitale

par Mung Ki Woo, CEO de Ditto

Lorsque les premiers services d’accès Internet bas débit sont apparus dans les années 1990, il fallait utiliser un modem connecté sur la ligne de téléphone fixe et il fallait à la fois payer un abonnement mensuel et les appels téléphoniques vers le numéro composé par le modem. Rapidement, les nouveaux entrants partirent dans une frénésie de conquête client et offrirent la gratuité totale (abonnement gratuit, appels gratuits), le tout agrémenté par de grandes campagnes marketing. N’est-ce-pas un mouvement similaire qui s’observe actuellement dans la banque digitale ? Les budgets d’acquisition client n’en finissent plus d’augmenter, tandis que les prix des services baissent. Dans les télécoms, il a fallu attendre l’irruption du haut débit (ADSL) au début des années 2000, pour qu’enfin les consommateurs acceptent de payer le service et que les acteurs atteignent la rentabilité.

« L’expérience des télécoms apporte plusieurs éclairages »

De la même manière que le secteur des télécoms a été profondément remanié au cours des 25 dernières années, il est probable que l’industrie bancaire connaisse une transformation de la même ampleur. L’expérience des télécoms apporte plusieurs éclairages. D’abord les technologies permettent de créer des services totalement nouveaux, cela a été le cas dans les télécoms avec l’accès internet et le mobile, et dans la banque peut-être ce sera le cas avec la blockchain ou les les crypto-monnaies.

Par ailleurs, nous pourrions avoir trois grands champs de bataille :

  • Le service bancaire en lui-même, centré sur le compte courant. Comme France Telecom (devenu Orange) en son temps a du batailler face aux nouveaux opérateurs alternatifs, SFR, Free, etc. les banques traditionnelles sont en train de livrer bataille aux nouveaux entrants, comme Revolut et N26. Quelles seront les parts de marché respectives à terme ? Nul le sait, mais aujourd’hui l’ex-monopole France Telecom ne contrôle plus que 42 % du marché de l’accès Internet.
  • Au-dessus du service bancaire, il y aura certainement une multitude de nouveaux services, fournis par de nouveaux acteurs, comme aujourd’hui le mail est fourni au-dessus des réseaux internet par des acteurs qui ne sont pas les opérateurs. On voit de premiers exemples de ce type comme les agrégateurs de compte (ex. Tink, Bankin) ou les services de paiement (ex. Lydia, Transferwise).
  • Enfin il reste le secteur des fournisseurs des pelles et des pioches pour cette nouvelle ruée vers l’or. On les regroupe sous le terme générique de « Banking as a Service ». Ce sont soit des acteurs techniques qui proposent des solutions radicalement nouvelles, à la fois plus flexibles et massivement moins onéreuses que les systèmes actuels. Soit ce sont des entités régulées (émetteur de monnaie électronique ou banque de plein exercice) qui acceptent d’être distribuées par de nouveaux entrants.

« L’histoire ne se répète pas, elle bégaie »

De plus, selon le bon mot de Karl Marx, « l’histoire ne se répète pas, elle bégaie ». Ce bégaiement pourrait bien venir des GAFAs, qui sont nés avec la révolution des nouvelles télécoms et qui sont tous en train d’entrer dans les services financiers, avec la puissance et l’ambition mondiales qui les caractérisent.

S’il faut en croire l’exemple des télécoms, nous ne sommes qu’au début d’une transformation massive des services financiers. Il y a 25 ans, qui aurait pu prédire la disparition presque totale du téléphone fixe, supplanté par le mobile et l’internet ? Le futur s’annonce donc passionnant car imprévisible.