Tendances 2020 : Année 1 de la rationalisation du marché fintech

tendances 2020

A l’aube de 2020, on fait le point sur les tendances fintech françaises et européennes avec notre expert marché Edouard Bouvet. 

Qu’il s’agisse du nombre de fintech créées, du nombre d’investissements ou de leurs montants, les tendances à la hausse observées depuis ces 3 à 5 dernières années, sur les indicateurs d’analyse du marché fintech devraient globalement se maintenir en 2020.

En cause notamment, un environnement de taux toujours très bas qui pousse les investisseurs à chercher des supports potentiellement plus dynamiques, dont le capital risque, et plus particulièrement la fintech où les multiples de valorisation des levées de fonds donnent le tourni et laissent croire à d’éventuelles plus-values mirifiques lors des opérations secondaires quelques années plus tard.

Néanmoins, le nombre de sorties (cessions/acquisitions) de fintech devrait rester stable, et donc finalement assez faible (particulièrement en France), comme ce fut le cas en 2019. 

Dès lors, même si le marché fintech continue son expansion théorique, 2020 pourrait, en réalité, être le point de départ vers les premiers signes d’une rationalisation des investissements et donc du secteur dans son ensemble.

En effet, la valorisation lors d’une levée de fonds est finalement à l’image du business plan de la société: hypothétique! Et finalement seul le véritable prix d’une cession/acquisition compte. 

La rentabilité est-elle donc enfin attendue au tournant? 

2020 : Année des premiers constats d’échec des investisseurs dans les fintechs

2020 correspondra à la fin d’un premier cycle pour les fintechs françaises, nombreuses à atteindre 5 à 7 ans d’existence. Nous devrions voir de premiers investisseurs en capital risque (mis à part quelques rares exceptions en 2018 et 2019) tenter de céder leurs participations.

Or, seules les fintechs qui auront atteint le seuil de rentabilité ou bien ayant suffisamment accéléré leur développement vont pouvoir être cédées à des prix permettant un taux de rendement interne décent pour les capitaux-risqueurs. Et, force est de constater que, les fintech ayant suffisamment grandi pour permettre cela sont finalement rares pour le moment.

2020 apportera donc le recul nécessaire pour enfin commencer à analyser la performance des investissements fintech, sans doute décevante (d’un pur point de vue risque/rentabilité). Le manque de liquidité des opérations secondaires, consécutif à des valorisations de levées souvent irrationnelles, devrait se faire ressentir.

2020 : Année 1 de la rationalisation du marché fintech 

Conséquence principale de cette première fin de cycle : les investisseurs en capital risque seront de plus en plus regardants et rationnels dans leurs choix d’investissements fintech, à la recherche de sociétés plus saines à financer (plus proches de la rentabilité), ou à des valorisations moindres.

Cette tendance pourra aussi se matérialiser par une volonté de sécuriser plus fortement leurs tickets, notamment via des mécanismes de liquidations préférentielles à plus de 1:1, que l’on commence à voir se multiplier (garantissant ou presque de la rentabilité aux fonds, quelque soit la valorisation de sortie des participations).

Les gérants de fonds doivent en effet être imaginatifs pour ne pas décevoir leurs investisseurs: les valorisations des levées étant très élevées, il est complexe pour eux de trouver de “bonnes sorties”, c’est-à-dire performantes en terme de retour sur investissement, et peut-être plus particulièrement sur le marché français.

Selon les mots imagés du cofondateur de the Refiners, Carlos Diaz, “ France is like the Saccorythus, an ancient animal with a large mouth (vibrant ecosystem) but no anus (exits)”. 

Le “value for money” (la rentabilité et la viabilité) à long-terme de nos fintechs reste semble-t-il, plus qu’ailleurs, encore à démontrer afin de susciter l’appétit des acquéreurs. 

2020 : année de la fin du mythe de la grande disruption fintech et avènement des partenariats

Pour simplifier : les fintechs ne sont pas rentables et cela limite leurs perspectives d’être correctement vendues ou de rester indépendantes sans investissement externe.

Ce manque d’attractivité pour les acquéreurs maintient par conséquent le secteur dans un statu quo concurrentiel, au paysage encore très atomisé, subventionné, peu rationalisé et encore moins consolidé.

Il ne semble pas (sauf à de rares exceptions, restant à confirmer sur le long terme) se dessiner de grands vainqueurs incontestables qui s’accaparent le marché.

Plutôt que d’acquérir leurs concurrents, les fintechs ne peuvent donc qu’espérer les cannibaliser en étant meilleures, et sinon (la plupart du temps) devenir les fournisseurs ou clients des unes et des autres, tout en se focalisant sur leur différenciation propre.

Plus qu’à travers des opérations de cession/acquisition, les synergies et les créations de valeur ne peuvent donc être réalisées que par l’intermédiaire de partenariats forts, pour des chaînes de valeur de plus en plus imbriquées et fluides.

Conclusion – 2020 : année de la grande accélération du Banking as a service

Si la vague fintech visait initialement à être une révolution, elle ressemble finalement plutôt à une évolution où plus que quelques acteurs isolés, c’est l’écosystème dans son ensemble qui va s’auto-optimiser jour après jour, à cause, ou plutôt grâce, à la réalité du marché qui ne peut soutenir indéfiniment des sociétés indépendantes et disruptives mais trop éloignées de la rentabilité.

Cette situation est donc un terrain propice à l’émergence de l’Open Banking et du Banking-as-a-Service, qui créent les conditions nécessaires à la concrétisation de partenariats à valeur ajoutée entre les acteurs du marché, et ouvrant la voie de la croissance voire de la rentabilité pour nombre de fintechs.